" Je jure par Dieu tout puissant, de remplir les actes de la profession d'avocat en toute probité et en tout honneur, de garder le secret professionnel, de respecter les lois et de ne jamais manquer de respect et aux tribunaux et aux autorités publiques."

lundi 11 août 2008

À JÉRUSALEM



À Jérusalem, je veux dire à l’intérieur
des vieux remparts,
je marche d’un temps vers un autre
sans un souvenir
qui m’oriente. Les prophètes là-bas se partagent
l’histoire du sacré … Ils montent aux cieux
et reviennent moins abattus et moins tristes,
car l’amour
et la paix sont saints et ils viendront à la ville.
Je descends une pente, marmonnant :
Comment les conteurs en s’accordent-ils pas
sur les paroles de la lumière dans une pierre ?
Les guerres partent-elles d’une pierre enfouie ?
Je marche dans mon sommeil.
Yeux grands ouverts dans mon songe,
je ne vois personne derrière moi. Personne devant.
Toute cette lumière m’appartient. Je marche.
Je m’allège, vole
et me transfigure.
Les mots poussent comme l’herbe
dans la bouche prophétique
d’Isaïe : "Croyez pour être sauvés."
Je marche comme si j’étais un autre que moi.
Ma plaie est une rose
blanche, évangélique. Mes mains
sont pareilles à deux colombes
sur la croix qui tournoient dans le ciel
et portent la terre.
Je ne marche pas. Je vole et me transfigure.
Pas de lieu, pas de temps. Qui suis-je donc ?
Je ne suis pas moi en ce lieu de l’Ascension.
Mais je me dis :
Seul le prophète Muhammad
parlait l’arabe littéraire. "Et après ?"
Après ? Une soldate me crie soudain :
Encore toi ? Ne t’ai-je pas tué ?
Je dis : Tu m’as tué … mais, comme toi,
j'ai oublié de mourir.





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Adieu l'ami..Mahmoud Darwich

samedi 19 juillet 2008

Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe

Un Loup disait que l'on l'avait volé :
Un Renard, son voisin, d'assez mauvaise vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.
Devant le Singe il fut plaidé,
Non point par Avocats, mais par chaque Partie.
Thémis n'avait point travaillé,
De mémoire de Singe, a fait plus embrouillé.
Le Magistrat suait en son lit de Justice.
Après qu'on eut bien contesté,
Répliqué, crié, tempêté,
Le Juge, instruit de leur malice,
Leur dit : "Je vous connais de longtemps, mes amis,
Et tous deux vous paierez l'amende ;
Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris ;
Et toi, Renard, as pris ce que l'on te demande. "
Le juge prétendait qu'à tort et à travers
On ne saurait manquer, condamnant un pervers.
Quelques personnes de bon sens ont cru que
L’impossibilité et la contradiction qui est dans le
Jugement de ce Singe était une chose à censurer ; mais je
Ne m'en suis servi qu'après
Phèdre ; et c'est en cela que consiste le bon mot, selon
Mon avis।
Fables de Jean de La Fontaine

Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau

Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau (1)
par Fabienne Nicolas

Signataire de “l’appel des 200", j’ai souhaité être entendue par la Commission Parlementaire afin de lui faire part de mon expérience de magistrat. J’exerce la fonction de Juge d’Instruction depuis trois ans, après avoir notamment occupé les fonctions de Juge des Enfants pendant quatre années.
Je n’évoquerai pas dans mon propos l’affaire dite d’Outreau : n’ayant pas lu ce dossier, j’estime n’en avoir, ni la compétence, ni la légitimité. Il me semble en outre plus que nécessaire de prendre de la distance avec cette affaire pour appréhender objectivement et sans parti pris le fonctionnement de notre justice, avant d’envisager éventuellement, mais dans la sérénité, les moyens de l’améliorer.
Je n’ai ni l’intention, ni le temps, ni la légitimité de dresser un tableau exhaustif du fonctionnement, de la pratique et des difficultés liées à l’instruction judiciaire. Je ne dispose d’aucun mandat pour formuler des propositions.
Je me contenterai donc de vous faire part de mes réflexions et interrogations sur le fonctionnement de notre justice au regard des difficultés rencontrées au quotidien.
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Outreau, désastre judiciaire ou désastre démocratique ?
Par Fabienne Nicolas

Mercredi 8 février 2006 23H30 : Colère, Indignation, Inquiétude, Dégout…
Là où les parlementaires et les médias voient unanimement un « gamin apeuré incapable d’avouer sa faute », je ne vois qu’un homme brisé par un lynchage politico-médiatique organisé depuis plusieurs mois, qu’un magistrat menacé au point de devoir être placé sous protection policière, qu’un être humain qui n’a plus ni vie professionnelle, ni vie privée.
Là où la presse et les parlementaires voient une commission chargée d’étudier sereinement les dysfonctionnements de la Justice et de proposer des réformes adaptées, je ne vois plus qu’un tribunal populaire affranchi de toutes les règles propres à une Justice démocratique. Aveuglée par une vision archaïque de la fonction de juge d’instruction, pressée d’apaiser la colère populaire au point de dénoncer les « fautes » de Fabrice BURGAUD avant même son audition, la Commission, en dépit des précautions oratoires des premières minutes, a adopté l’exact comportement qu’elle entend dénoncer : questions fermées, recherche de l’aveu, accusateurs multiples face à une défense bâillonnée…
Là où la presse et les parlementaires voient l’expression de notre démocratie, je ne vois plus qu’une atteinte insupportable à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la Justice.
Si Fabrice BURGAUD a commis des fautes, il doit en rendre compte dans le cadre d’une procédure disciplinaire devant le Conseil Supérieur de la Magistrature, non face à des médias à la recherche d’une victime expiatoire de leurs propres errements, ni face à une commission parlementaire transformée en tribunal populaire et en tribune politique.
Souvenez-vous !
Souvenez-vous Mesdames et Messieurs les journalistes de votre promptitude en 2001 à dénoncer ces « monstres pédophiles », à les jeter en pâture à l’opinion publique, à étaler leur vie privée ; souvenez-vous de vos unanimes propos sur le caractère sacré de la parole de l’enfant, sur la nécessaire sévérité dont la Justice doit faire preuve envers ces bourreaux, sur l’incapacité des Juges à démanteler des réseaux de pédophilie que vous imaginiez partout !
Souvenez-vous Mesdames et Messieurs les parlementaires de votre émoi passé face à la souffrance des enfants-victimes au sein des procédures judiciaires ; souvenez-vous qu’au moment de l’adoption de la loi du 17 juin 1998, vous nous encouragiez fortement à une unique audition filmée, au mépris des droits de la défense de la personne accusée ; souvenez-vous que le 9 mars 2004, vous avez allongé le délai de prescription de l’action publique à 20 ans après la majorité des enfants victimes de viols par ascendant, comme s’il était sérieusement possible de rassembler des preuves sur des faits vieux de plusieurs décennies…
Souvenez-vous, Monsieur Le Garde des Sceaux, de la proposition de loi n°1187 du 4 novembre 2003 exposant dans ses motifs le souhait de voir instaurer une présomption de crédibilité de la parole de l’enfant et prônant l’imprescriptibilité des crimes de nature sexuelle commis sur les enfants!
La Justice est, et doit être, une recherche d’équilibre entre des intérêts divergents, entre la nécessaire protection de la société, le respect de la victime et les droits de la défense ; la parole de l’enfant n’est ni mensonge, ni vérité, elle doit pouvoir être discutée contradictoirement sans dogme, ni a priori, car tout homme, même accusé par un enfant, a le droit de se défendre.
C’est de ce nécessaire équilibre et des moyens d’y parvenir dont doit débattre la Représentation Nationale dans la sérénité et non pas au coup par coup en réponse à l’émotion d’une opinion publique soumise aux aléas d’une information-spectacle.
Or le dispositif législatif sur la détention provisoire, question centrale de l’affaire d’Outreau et génératrice de tant de souffrances, est révélateur de ce que j’appelle la démocratie de l’émotion qui génère empilement et incohérence législative :
Loi sur la présomption d’innocence du 15 juin 2000 : le législateur affirme solennellement le principe de la liberté, crée un Juge des libertés et de la détention distinct du Juge d’instruction faute de moyens suffisants pour instaurer une collégialité et maintien l’institution d’un référé-liberté devant le Président de la Chambre de l’Instruction : entre sécurité et liberté, entre détention provisoire et présomption d’innocence, le législateur place clairement le curseur vers la liberté. Le Juge d’instruction laisse en liberté sauf à rendre une décision motivée de saisine du Juge des libertés et de la détention.
16 octobre 2001 : Affaire dite du chinois. Remis en liberté par la chambre de l’instruction de Paris en décembre 2000, Bonnal commet des faits criminels. La Presse, le Gouvernement et divers parlementaires en appellent à la responsabilité du Président de la juridiction stigmatisant un comportement irresponsable et fautif. L’année suivante, le Parlement adopte le référé-détention afin de permettre de suspendre l’exécution d’une décision de mise en liberté et le Juge d’instruction doit rendre une ordonnance motivée lorsqu’il ne souhaite pas saisir le Juge des libertés et de la détention en présence de réquisitions de mise en détention du Parquet.
NB : Il convient de noter, à titre quasi-anecdotique que le « chinois » a fait l’objet d’un acquittement dans ledit dossier faute de preuves suffisantes…
Loi Perben II, 11 février 2004 : Le Parquet peut saisir directement le Juge des libertés et de la détention pour un placement en détention provisoire en cas de refus du Juge d’instruction.
Alors, au membre de la commission parlementaire qui s’adressait à Fabrice Burgaud, en ces termes « pourtant le principe, c’est la liberté ! », permettez-nous d’en douter, Monsieur le député, et de vous rappeler le contenu des lois que vous nous demandez d’appliquer !
La démocratie de l’émotion, c’est aussi voter des lois en réponse aux inquiétudes ou à l’émoi de l’opinion publique sans donner les moyens matériels et humains de les appliquer, c’est instaurer l’enregistrement vidéo des auditions de mineurs sans technicien derrière la caméra, c’est créer les Juridictions Inter-Régionales Spécialisées pour lutter contre le crime organisé sans renforcer les effectifs des SRPJ ou des Sections de Recherche, c’est instaurer une expertise psychiatrique obligatoire dans de multiples procédures sans remédier à la pénurie d’experts psychiatres, c’est confier jusqu’à 160 dossiers à un juge d’instruction quand on reconnaît qu’il ne peut en instruire correctement que 80, c’est exiger toujours moins d’incertitudes et toujours plus de preuves scientifiques en limitant les frais de justice, c’est vouloir une justice efficace, humaine, garante des libertés de chacun, en un mot infaillible, en lui accordant un des budgets les plus faibles d’Europe et des effectifs plus que limités !
Outreau n’est pas un désastre judiciaire, c’est un désastre démocratique qui se poursuit aujourd’hui par une atteinte sans précédent au principe de séparation des pouvoirs।

Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau (6) Par Gilles StraehliLors des premiers travaux de votre Commission, de nombreux magistrats, juges d’instruction et membres des chambres de l’instruction, ont éprouvé un profond malaise. Ils ont pu avoir le sentiment que la réalité de leur engagement dans leur métier et que les conditions complexes, voire difficiles, de l’exercice de cette fonction de l’instruction avaient du mal à se faire une place dans les interrogations, questions ou observations que vous adressiez à leurs collègues concernés par cette affaire dramatique et, au delà, à l’ensemble des magistrats qui, au jour le jour, assument avec cœur ces mêmes responsabilités qu’ils ont choisies.A travers moi, les collègues qui m’ont fait la confiance de me demander de les représenter ont la première ambition de mieux vous faire appréhender cette réalité. La deuxième est de vous convaincre de leur volonté d’aller de l’avant. En effet, même s’ils ont la ferme certitude que chaque magistrat concerné par cette affaire a fait son travail en conscience et en respectant les exigences de son métier, ils mesurent toute la gravité de ce qui est survenu dans la vie des personnes innocentées lors des procès de Saint-Omer et Paris. S’il est dans la nature de la justice d’être faillible car il est impossible d’assurer qu’un acte, qui avait un sens au moment où il a été posé, aura les conséquences qui en étaient attendues, l’exigence s’impose aux magistrats de participer à la réflexion engagée pour mieux garantir à l’avenir les citoyens contre des erreurs d’appréciation toujours possibles.Votre Commission a déjà été destinataire d’importantes contributions de fond sur le contexte dans lequel s’exerce la justice pénale et sur les moyens juridiques et matériels qui lui sont nécessaires pour progresser. Au nombre des plus récentes figurent celles des syndicats de magistrats et je citerai également l’audition de Monsieur le Procureur Général Viout qui vous a expliqué les réflexions et propositions du groupe de travail qu’il dirigeait et dont j’ai fait partie. Ces dernières propositions sont donc également les miennes si l’architecture actuelle de la justice pénale doit être conservée. Auparavant, nos collègues de la chambre de l’instruction de Douai avaient su, à partir de leur expérience de l’affaire particulière qu’ils ont eu à traiter, vous brosser un tableau du fonctionnement de cette juridiction. Nous sommes nombreux, présidents et conseillers des chambres de l’instruction, à nous être retrouvés pleinement dans la description qui vous a été faite par nos collègues de l’exercice quotidien de leur métier. Hors de tout corporatisme mais parce que nous mesurons pleinement la profondeur de l’injustice qu’ils ressentent devant le soupçon de légèreté, voire d’incompétence, et d’inhumanité dont ils font l’objet, nous les assurons de notre entière solidarité devant vous.Nos collègues de Douai, les syndicats de magistrats ainsi que d’autres intervenants, vous ont déjà présenté de très concrètes pistes de travail pour mieux garantir à l’avenir nos concitoyens. C’est pourquoi j’ai fait le choix de vous apporter, sans redondance, des compléments d’information et de réflexion sur quelques thèmes sélectionnés, à partir de nombreuses contributions de collègues. J’y ajoute mon expérience personnelle de 30 ans d’une carrière qui a débuté par l’exercice des fonctions de juge d’instruction à 24 ans, s’est poursuivie dans divers ressorts par l’exercice de l’ensemble des fonctions civiles et pénales des magistrats du siège et qui, après des responsabilités pédagogiques et administratives à l’Ecole nationale des greffes, se poursuit depuis neuf ans en qualité de président d’une chambre d’accusation puis d’instruction à Nancy. En parallèle, ma participation régulière à des groupes de travail mis en place par notre ministère, ainsi qu’à la formation des magistrats, des élèves-avocats et des policiers candidats à la qualification d’officier de police judiciaire enrichit la réflexion dont je souhaite vous faire part. pour lire la suite de l'article, cliquer ici

Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau (5) Le procès dit d’Outreau et sa relation par les médias a profondément choqué la population française et parmi elle les magistrats। Plus encore que les autres citoyens, il ont été blessés par la durée de la détention effectuée à tort। Eux aussi ont pu avoir le sentiment que des justiciables n’avaient pas été entendus। Pour autant, dans le débat qui a suivi, ils ne se sont pas reconnus dans la description de la justice telle qu’ils la pratiquent et qu’ils la connaissent.Magistrat depuis près de vingt ans , j’ai exercé essentiellement au parquet, d’abord comme substitut puis comme procureur dans un Tribunal de petite taille. Deux ans au siège dans une juridiction à une chambre m’ont ensuite donné l’occasion de pratiquer, au moins occasionnellement, presque toutes les fonctions de juge civil ou spécialisé. J’ai également présidé régulièrement le Tribunal correctionnel et assumé les fonctions de juge des libertés et de la détention.J’ai rejoint il y a trois ans le parquet de NANCY où, en tant que vice-procureur, je dirige le service de l’action publique et je suis associée à la politique de la Ville. Par ailleurs, j’ai été désignée comme directeur de centre de stage et participe ainsi à la formation de mes futurs collègues.A ces titres, je pense pouvoir évoquer devant vous le travail des magistrats du parquet, les difficultés auxquelles ils sont confrontés tant dans la conduite de l’enquête que dans les relations avec leurs partenaires institutionnels ou extérieurs. pour lire la suite de l'article, cliquer ici (format pdf)

Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau (4) Par Vanessa LepeuDans le cadre de cette délégation, je me propose de vous apporter un témoignage, celui d’un magistrat ayant pris son premier poste en septembre 2005, soit il y a six mois, en tant que juge d’instruction. Avant d’évoquer la formation des magistrats, les conditions de la prise de poste et les premières difficultés rencontrées, les raisons pour lesquelles, après la période de formation générale à l’E.N.M., j’ai choisi d’être juge d’instruction. Je m’étais sentie attirée par cette fonction en raison de son côté dynamique, actif. Il s’agit d’une fonction combinant l’urgence, le temps réel, et un travail de fond, dans la durée. Le côté humain m’attirait également beaucoup, dans la mesure où le juge d’instruction est en contact direct avec les personnes mises en cause, les parties civiles, mais aussi avec les enquêteurs, experts, avocats. Point de convergence, le juge d’instruction est à la fois celui qui donne l’impulsion et centralise l’enquête. Cette fonction est aussi une de celles où les fruits de notre travail sont constatés au jour le jour : les enquêtes avancent, évoluent, se terminent, d’autres apparaissent. Aucun jour ne ressemble à un autre, aucune audition ne ressemble à une autre. En pratique, les futurs magistrats choisissent également leurs postes en fonction d’un critère géographique, souvent pour des raisons personnelles. En ce qui me concerne, le poste de juge d’instruction à Senlis me permettait de trouver un juste équilibre entre mon choix professionnel et ma vie familiale. Il est évident que les responsabilités inhérentes à ce poste n’ont pas rendu ce choix facile. Pourtant, choisir cette fonction à la sortie de l’école m’a permis de bénéficier d’une formation spécifique de cinq mois pour m’y préparer, au lieu d’une semaine seulement en cours de carrière. Je savais également que cette fonction serait très prenante, tant d’un point de vue de l’emploi du temps que psychologiquement. J’ai envisagé ma jeunesse comme un gage de dynamisme, de disponibilité. Ma formation récente me permettait d’être au fait des dernières réformes. Je me suis sentie prête à m’adapter, à me remettre en cause. pour lire la suite de l'article, cliquez ici (format pdf)

Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau (3) Par Agnes ZissmannJe fais partie des magistrats, plus de 500 à ce jour, qui ont signé un appel demandant à être entendus par votre Commission। Pourtant je n’ai pas d’informations sur l’affaire d’Outreau, je ne suis intervenue à aucun stade de la procédure et, si j’ai siégé pendant quinze ans dans des formations correctionnelles au tribunal de Paris, ce n’est pas de la justice pénale que je voudrais vous parler.Certains de mes collêgues, troublés par les conditions dans lesquelles, inaugurant la série des auditions de magistrats, votre commission a entendu, neuf heures durant, le juge BURGAUD, parlent de lynchage médiatique et s’interrogent sur l’étendue de vos ambitions: tenter, à partir de ce dossier emblématique, d’améliorer le fonctionnement du service public de la justice à la mesure des attentes d’un grand pays démocratique ? ou seulement désigner à l’émotion publique un bouc émissaire: Fabrice BURGAUD, ou, à travers lui, la figure du juge d’instruction ? Ceux qui penchent pour la deuxième hypothèse n’ont pas voulu demander, fût-ce symboliquement, à être entendus par votre commission. Loin de tout corporatisme, les signataires de la pétition veulent croire au contraire qu’en vous communiquant leur expérience, leurs difficultés et les réflexions inspirées par leur pratique quotidienne, ils vous aideront à appréhender la complexité des problèmes à résoudre.Vous allez recevoir les représentants de nos organisations syndicales qui, bien mieux que je ne saurais le faire, vous exposeront les écueils que nous rencontrons et les solutions qu’ils proposent. Pourquoi alors prendre sur mon temps et sur le vôtre pour vous parler de mon travail, essentiellement de nature civile ? Vice-présidente chargée du service d’un tribunal d’instance, j’ai peu à faire avec les mécanismes de la procédure pénale qui auraient favorisé les erreurs et dysfonctionnements sur lesquels se penche votre commission. Pourtant, si les litiges du quotidien qui forment l’ordinaire des tribunaux d’instance ont peu de chances de faire la une des médias, les évolutions actuelles favorisent, là comme ailleurs, la multiplication de minuscules Outreau dont seules les victimes s’indigneront. Nos représentants syndicaux vous répéteront, comme ils l’ont dit dans un communiqué commun, que l’exigence d’une justice de qualité est trop souvent sacrifiée au nom du productivisme; vous y verrez une sempiternelle revendication de moyens, respectable mais secondaire. Je voudrais modestement essayer de vous faire comprendre comment l’exigence du productivime, désormais au centre du fonctionnement d’un tribunal d’instance, pèse au quotidien sur ses magistrats. Un juge des enfants, un juge d’instruction, un procureur, pourraient eux aussi vous exposer, chacun dans sa sphère, les effets de cette révolution copernicienne.

Contribution pour la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau (2) Par Simone GaboriauPourquoi cet appel ?L’appel a été lancé, dès le 6 février dernier, alors que les premières auditions de magistrats s'annonçaient, en raison de l'inquiétude de nombreux magistrats sur le devenir des travaux de votre commission. En effet, nous craignions l’absence de prise en compte de la réalité judiciaire, le risque de déformation de cette réalité sous l’impact d’une affaire hors norme et la naissance corrélative d’une crise de confiance irréversible entre la Justice et les citoyens. Votre commission allait-elle pouvoir apprécier le fonctionnement d'une institution à travers une affaire tragique et particulièrement complexe?On n'apprécie jamais valablement le fonctionnement d'une institution, dans un cas de crise comme l’affaire dite d’Outreau, sans avoir une vision préalable de son fonctionnement au quotidien. En effet, si l'on veut trouver une grille de lecture du dysfonctionnement de la justice dans cette affaire, il faut arriver à déterminer ce qui est de l'ordre des défaillances structurelles (insuffisances législatives, manque de moyens, inadaptation procédurale, autres...) et ce qui est de l'ordre des faiblesses conjoncturelles, provoquées, notamment, par le caractère extraordinaire et inhabituel d'une affaire d’une telle complexité évoluant dans le contexte d’une société traumatisée par la « pédophilie ».Notre volonté était d'être entendus par vous pour faire pénétrer dans votre champ d’investigation la réalité judiciaire, dans toute son ampleur et sa diversité au delà de la singularité d’une affaire paroxystique. Notre démarche était, et reste, complémentaire des positionnements et interventions des organisations syndicales. A côté des analyses, propositions et revendications de celles-ci, totalement irremplaçables, nous vous proposons des témoignages nourris par une expérience diversifiée de magistrats occupant, et /ou ayant occupé, une pluralité de fonctions. Nous ne sommes pas porteurs d’un programme de réformes, mais nous sommes légitimes à faire des constats, poser des interrogations, définir des problématiques, dégager des pistes de réflexion. Nous pouvons tenter, ainsi, de contribuer à la grammaire de l’analyse de la situation en cause et au développement du débat sur les perspectives de changement. Représentatifs de l'ensemble de la magistrature, par le nombre de signataires, mais rassemblant, largement, des magistrats de tous horizons nous ne prétendons pas développer un discours uni et homogène sur tous les points qui seront évoqués. Par leur richesse et leur diversité les interventions illustreront un secteur particulier de la justice ; chacune pourra présenter des propositions personnelles encore discutées au sein de l'institution ou plus largement partagées. C’est dans cet esprit que nous nous adressons à vous, aujourd’hui, en nous appuyant sur des communications écrites qui vous ont été préalablement transmises. Nous gardons en mémoire l’émoi de toute la magistrature légitimement alarmée par les conditions de l’audition de notre collègue Fabrice BURGAUD et l’exploitation médiatique de sa comparution. Dans nos interventions d’aujourd’hui, nous n’insisterons pas sur celles-ci car nous avons, en son temps, pris position publiquement et solennellement. Cependant, la marque de cet émoi est indélébile et nous vous demandons de vous en souvenir au moment de la rédaction de votre rapport. Relayant, sur ce point également, les attentes de nos collègues, nous attirons votre attention sur le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs qui devra vous guider tout au long de l’achèvement de vos travaux. Ainsi, la satisfaction que vous avez donnée à notre demande va me permettre de prendre la parole en premier pour définir le cadre des préoccupations dont nous sommes porteurs qui seront déclinées, pour l’essentiel, par les interventions de mes collègues, chacun d’entre nous s’efforçant d’être relativement bref pour permettre un dialogue interactif avec vous. Si au cours de ces interventions, les passions peuvent jaillir, sachez qu’elles seront, uniquement, le reflet de la passion de justice qui nous anime. Ce sont des juges, des magistrats du parquet qui s’adressent à vous et vous demandent de partager, l’espace de quelques instants, leur cheminement professionnel au quotidien et le contexte de leur labeur judiciaire. pour lire la suite de l'article, cliquer ici (format pdf)

Ethique, déontologie et sanction

La déontologie des magistrats est un sujet débattu de façon universelle au sein de tous les systèmes judiciaires. La matière est difficile et demande une analyse précise, dans la mesure où la notion de déontologie des magistrats recouvre deux obligations de nature différente :- les devoirs professionnels du magistrat, déjà énoncés dans les codes spécifiques et dans le statut de la magistrature (par exemple le devoir d’impartialité, l’obligation de respecter le principe du contradictoire- l’éthique, qui renvoie au comportement individuel du juge, dans l’exercice de sa profession et dans sa vie personnelle

Si le non respect de la première catégorie d’obligations peut aisément faire l’objet de sanctions disciplinaires, il en va autrement pour les obligations de nature éthique, dont le contour est sensiblement plus incertain.

En effet, les règles éthiques étant par nature définies de façon peu précise (par exemple « obligation de convenances »), assortir leur non respect de sanctions disciplinaires peut conduire à des atteintes sérieuse à l’indépendance de l’autorité judiciaire, dès lors qu’un pouvoir exécutif hostile pourrait, sur ce fondement, s’emparer de l’action disciplinaire pour s’attaquer à un magistrat dont, en réalité, les décisions juridictionnelles lui déplaisent.

Il n’est pas exagéré de soutenir qu’un code de déontologie comportant des règles éthiques dont la méconnaissance est en elle-même une cause de mise en jeu de la responsabilité disciplinaire peut constituer entre les mains du pouvoir exécutif une machine de guerre contre l’indépendance de la .

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Un avocat qui plaide longtemps défend-il mieux son client ?

Discuter avec des justiciables qui ont été partie à un procès est toujours une occasion très intéressante de découvrir comment ils perçoivent le processus auquel ils ont participé.

Ces justiciables s'interrogent fréquemment sur le comportement de leur avocat à l'audience, et notamment sur la durée de son intervention. La question posée est du genre "a-t-il parlé suffisamment longtemps et assez bien plaidé ?"

Il semble que nos concitoyens ignorent vraiment comment un dossier est traité, comment les juges travaillent, et quelle est l'utilité de l'audience. Voici donc quelques explications concrètes.

En matière civile (la matière pénale sera abordée une autre fois), avant l'audience, les parties se transmettent leurs conclusions (leur avis écrit et leurs arguments) ainsi que les documents qu'elles veulent discuter et remettre au juge. Et à l'audience les avocats remettent des dossiers parfois volumineux contenant un ensemble de documents que les juges vont examiner pendant le délibéré, avant de rendre leur décision.

A l'audience, les avocats dont par définition les thèses s'opposent, vont le premier nous dire que la solution c'est "blanc", et l'autre rétorquer ensuite qu'évidemment non, la solution c'est "noir". Cela n'apporte pas grand chose au débat ! En plus, même si l'un des avocats avance un argument qui semble plausible, il ne sera pris en compte que si tous les justificatifs nécessaires sont dans le dossier. Affirmer c'est une chose, mais dans un procès ce qu'il faut par dessus tout c'est prouver que ce que l'on avance est parfaitement exact, ce qui n'est pas tout à fait pareil.

Pour ces raisons, les plaidoiries à l'audience n'ont qu'une utilité réduite. Elles permettent seulement d'avoir une prémière idée de la nature du litige, et de repérer les arguments qui peuvent assez rapidement être écartés comme non convaincants ou juridiquement manifestement erronés.

Il faut savoir aussi qu'une fois l'audience terminée, les juges ne plongent pas tout de suite dans les dossiers avec lesquels ils repartent. Certains seront étudiés le lendemain, d'autres une semaine ou un mois plus tard, en fonction de la charge des magistrats et des dossiers déjà en attente de traitement sur leurs étagères. Dès lors, le juge qui ouvre un dossier plusieurs jours ou semaines après l'audience ne se souvient plus du tout de ce qui a été plaidé. Et comme ce qui compte c'est exclusivement ce qu'il y a dans le dossier remis, les juges prennent très peu de notes à l'audience. Au moment de rédiger leur arrêt, ils se reportent aux conclusions écrites des avocats, et non à leurs notes de l'audience, qui au demeurant pourraient comporter des erreurs.

Finalement, dans le travail quotidien des juges, l'audience civile ne présente pas un grand intérêt en elle-même. C'est pourquoi, comme les magistrats sont nombreux à le souhaiter et comme certains le disent aux avocats, quelques brèves observations de leur part, et uniquement pour mettre en avant les éléments essentiels du dossier, sont amplement suffisantes.

Oui mais voilà, il y a parfois le justiciable/client dans le fond de la salle. Et régulièrement des avocats s'approchent de nous au début de l'audience et nous murmurent à l'oreille "mon client est là, je plaide corps présent.." ce qui signifie : "comme mon client est là, je vais être obligé(e) de plaider plus longtemps que nécessaire".

Cela appelle les observations suivantes :

D'abord, la présence du "client" ne change rien à ce qui a été dit plus haut sur l'intérêt inexistant de longues plaidoiries. L'avocat ne doit faire que ce qui est utile pour le traitement du dossier, et dans cette optique plaider plus longtemps ne sert à rien du tout.

Ensuite, on ne peut que s'interroger sur ce que l'avocat dit à son client avant l'audience. Soit il fait confiance à son intelligence et il lui explique lui-même qu'à l'audience il ne fera que quelques observations car parler plus est inutlie et n'apportera rien, ce que nos concitoyens comprennent parfaitement quand on leur explique comment se traite un dossier judiciaire. Soit ils font croire à leurs client qu'ils seront plus efficaces s'ils parlent longtemps, ou veulent donner l'impression d'en "faire plus", peut-être en lien avec le montant des honoraires réclamé. Mais alors, cela signifie qu'il y a une part d'inexactitude (de mensonge ?) dans ce qui est expliqué par l'avocat à son client sur la raison d'être et l'utilité d'une audience. Et cela est toujours troublant.

En tous cas, les justiciables doivent être convaincus d'une chose : l'avocat qui s'exprime le plus longtemps à l'audience ne fait pas un meilleur travail, et il n'aura pas plus souvent gain de cause que les autres.