" Je jure par Dieu tout puissant, de remplir les actes de la profession d'avocat en toute probité et en tout honneur, de garder le secret professionnel, de respecter les lois et de ne jamais manquer de respect et aux tribunaux et aux autorités publiques."

jeudi 6 mars 2008

L’application de la loi pénale dans le temps


I – L’application des lois pénales de fond

A – Le principe de la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère

Article 112-1 al. 1er : « Seuls sont punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ». Article 112-1 al. 2 : « Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date ».

Par ces deux alinéas, la loi prohibe la rétroactivité de toute incrimination nouvelle et interdit aux juridictions du fond de prononcer une peine non prévue au moment de la commission de l’infraction. La loi nouvelle doit se contenter de saisir les faits commis après son entrée en vigueur.

Ce principe est le corollaire indispensable du principe de légalité, il est une mesure de justice sociale et de garantie pour la liberté des individus. Il est de valeur constitutionnelle (déc. du 9 janvier 1980).

La formule ne cesse d’être affirmée depuis deux siècles :
- Article 8 de la DDHC, 1789
- Article 11 de la DUDH, 1948
- Article 7 § 1 de la CESDH, 1951
- Article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966

Pour savoir si une infraction ou une situation juridique tombe ou non sous le coup de la loi nouvelle plus sévère, il est indispensable de déterminer le moment de sa réalisation. La réponse va de soi lorsqu’il s’agit d’une infraction instantanée, qui se consomme en un trait de temps, comme le vol ou le meurtre. Elle est moins évidente pour les infractions dont la réalisation s’étend sur une certaine durée, comme les infractions d’habitude qui supposent la répétition d’actes identiques (exercice illégal de la médecine) ou les infractions continues (recel) qui sont constituées aussi longtemps que persiste la situation infractionnelle. La Cour de cassation estime qu’il suffit qu’un acte d’habitude ait été commis après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle ou que l’infraction continue persiste après cette date pour que celle-ci puisse s’appliquer.


B – Le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce

Article 112-1 al. 3 : « Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».

Par référence à l’article 8 de la DDHC selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, le Conseil constitutionnel a hissé le principe au rang constitutionnel (décision du 19-20 janvier 1981).

La formule est consacrée par différentes normes :
- Article 8 de la DDHC, 1789 (implicite : nécessité)
- Article 15 § 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966
- Ne figure pas dans la CESDH

Selon cette règle de la « rétroactivité in mitius », la loi nouvelle plus douce va saisir non seulement les faits qui lui sont antérieurs mais encore toutes les situations qui sont pendantes devant les juridictions (y compris devant la Cour de cassation, la règle se justifiant par l’effet suspensif du pourvoi). Positivement, tant que l’infraction n’a pas été définitivement jugée, la loi nouvelle plus douce doit donc lui être appliquée.

Négativement, la règle signifie que la loi nouvelle plus douce ne peut remettre en cause des condamnations devenues définitives avant son entrée en vigueur : c’est l’autorité de la chose jugée. Toutefois, l’article 112-4 énonce que « la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction pénale ». Si la loi laisse subsister une qualification pénale, elle sera sans effet sur la condamnation prononcée. Ainsi, la suppression, par le nouveau Code pénal, de l’incrimination spécifique de la castration n’impose en aucune façon la libération des quelques personnes condamnées de ce chef dans la mesure où un tel acte reste punissable sous la qualification de violences et actes de barbarie.

L’article 112-4 prévoit seulement que « la peine cesse de recevoir exécution » : il produit donc les mêmes effets qu’une grâce (article 133-7) ; il arrête l’exécution de la peine mais ne permet pas d’anéantir la condamnation qui, en conséquence, reste inscrite au casier judiciaire et peut être prise en considération ultérieurement pour refuser l’octroi du sursis ou constater l’état de récidive. L’amnistie conserve donc une utilité, même pour les infractions qui entrent dans le domaine de l’article 112-4.

Il n’est pas toujours très simple de déterminer avec exactitude le caractère plus doux des mesures nouvelles prises par le législateur. La division tripartite des infractions est un premier élément. Les lois de dépénalisation (forfaiture, mendicité, vagabondage) ou d’abrogation sont à l’évidence plus douces ; il en va de même de la suppression d’une circonstance aggravante, de l’instauration d’un nouveau fait justificatif, d’une correctionnalisation et d’une contraventionnalisation légales, d’une réduction du montant ou de la durée de la peine. En revanche, sont considérées comme des dispositions plus sévères la création d’une nouvelle infraction ou d’une nouvelle circonstance aggravante, l’augmentation du maximum encouru…

Mais le plus souvent, la loi cumule des dispositions plus douces et plus sévères. Si les dispositions sont divisibles, le juge procède à une application distributive : seules celles jugées plus douces auront un effet rétroactif. Ainsi, la réforme du Code pénal a réduit le champ d’application de la prise illégale d’intérêts (disposition plus douce) et élevé la peine d’emprisonnement de deux à cinq ans (disposition plus sévère).

Si les dispositions sont indivisibles, deux méthodes sont utilisées par les juridictions pénales. La première consiste à rechercher la disposition principale de la loi : jugée plus douce, elle entraîne avec elle la rétroactivité de la loi nouvelle ; jugée plus sévère, elle autorise l’application de la loi entière aux seules infractions commises après son entrée en vigueur. La seconde méthode consiste à dégager une tendance dominante de la loi nouvelle.

Exemple de dispositions indivisibles : la réforme du Code pénal a supprimé l’incrimination spécifique de la castration passible de la réclusion criminelle à perpétuité, mais dans le même temps, elle a créé une infraction nouvelle : les tortures et actes de barbarie passibles de quinze ans de réclusion criminelle. Ces deux modifications ne peuvent être considérées indépendamment l’une de l’autre.


II – L’application des lois pénales de forme

A – Les lois relatives à la compétence, à l’organisation judiciaire et à la procédure

1. Le principe de l’application immédiate

Le Code pénal pose le principe de l’application immédiate des lois de compétence et d’organisation judiciaire (article 112-2, 1°) ainsi que des lois de procédure (article 112-2, 2° et 112-3), même lorsque les dispositions nouvelles auraient pour effet d’aggraver la situation de la personne poursuivie. La solution est fondée : la finalité première de ces lois est de permettre une meilleure administration de la justice.

Ainsi, en ce qui concerne les lois relatives à la compétence et à l’organisation judiciaire, la règle de l’application immédiate a été appliquée dans le passé lors de la création des tribunaux pour enfants (1946), de la suppression de la Cour de sûreté de l’Etat (1981), de l’institution d’une cour d’assises composée de magistrats professionnels spécialisée dans les affaires de terrorisme (1986).

En ce qui concerne les lois relatives à la procédure, la règle de l’application immédiate a été mise en œuvre lors des modifications du régime de la détention provisoire, des lois fixant de manière plus restrictive les conditions de mise en œuvre des nullités de procédure (1995), celles relatives à la motivation des décisions (2000, à propos de la suppression de la motivation spécifique de la peine d’interdiction de séjour) etc.

L’application immédiate de la loi nouvelle n’est pas son application rétroactive. Elle est sans effet sur la validité des actes accomplis conformément à la loi ancienne (art. 112-4). Les deux lois ne sont pas en conflit et vont chacune avoir une période respective d’application : la plus ancienne aura conduit la procédure jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, laquelle s’appliquera aussitôt sans remettre en cause les actes déjà accomplis. A titre d’exemple, les dispositions de l’article 80 alinéa 4 du CPP issues de la loi du 23 juin 1999, selon lesquelles le juge d’instruction ne peut informer sur des faits nouveaux dénoncés par la partie civile en cours d’information que s’il en est requis par le ministère public, ne peuvent affecter la validité de la saisine de ce magistrat résultant de plaintes additionnelles déposées avant l’entrée en vigueur de la loi précitée.


2. Les limites de l’effet immédiat

a) Les limites au principe de l’effet immédiat des lois de compétence et d’organisation judiciaire

Le principe de l’effet immédiat des lois de compétence et d’organisation judiciaire est écarté si, au jour d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, « un jugement au fond a été rendu en première instance » (art. 112-2, 1°). La personne poursuivie continue alors de relever du même ordre juridictionnel jusqu’à la fin du procès. C’est la consécration d’une règle jurisprudentielle ancienne. En application de ce principe, il a été jugé que la loi du 15 juin 2000 ayant attribué compétence au tribunal correctionnel pour connaître du délit de refus de témoigner, autrefois sanctionné par le juge d’instruction sous le contrôle de la chambre d’accusation, n’avait pas eu pour effet pour remettre en cause la compétence de celle-ci lorsqu’avant l’entrée en vigueur de la loi, le juge d’instruction avait rendu une ordonnance de condamnation.

En cas d’aggravation des peines transformant par exemple un délit en crime, la cour d’assises devra être immédiatement saisie (principe de l’application immédiate des lois de compétence), mais elle ne pourra prononcer que des peines correctionnelles prévues par la loi ancienne (principe de la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère).


b) Les limites au principe de l’effet immédiat des lois relatives aux poursuites et à la procédure

Quant à la procédure, aux termes de l’article 112-3, « les lois relatives à la nature et aux cas d’ouverture des voies de recours ainsi qu’aux délais dans lesquels elles doivent être exercées et à la qualité des personnes admises à se pourvoir sont applicables aux recours formés contre les décisions prononcées après leur entrée en vigueur ». Elles ne s’appliquent donc pas immédiatement aux instances en cours.

L’article 112-3 prévoit cependant une limite à la survie de la loi ancienne en disposant que « les recours sont soumis aux règles de forme en vigueur au jour où ils sont exercés ». La loi ancienne ne s’applique que pour la définition du droit de recours. En revanche, la forme du recours est régie par la loi en vigueur au moment où il est formé.

Lorsqu’une loi institue un délai pour l’exercice d’un droit, son application immédiate ne doit pas aboutir à priver de ce droit les justiciables pour lesquels le délai serait expiré avant même l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.


B – Les lois relatives à l’exécution et à l’application des peines

D’une manière assez traditionnelle, avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, la jurisprudence admettait le principe de l’application immédiate des lois relatives à l’exécution des peines, que ces dernières soient plus généreuses ou plus sévères.

L’article 112-2-3° interdit l’application immédiate des dispositions plus sévères, tant pour les lois relatives au régime de l’application des peines que pour celles relatives au régime de l’exécution des peines. Le régime d’application des peines évoque l’ensemble des règles ressortissant à titre principal aux juridictions chargées de l’application des peines. Le régime de l’exécution des peines désigne l’ensemble des règles dont l’application est confiée pour l’essentiel au parquet et à l’administration et qui ont pour objet de fixer les modalités d’exécution de la peine.

Les dispositions plus sévères, c’est-à-dire celles qui ont pour conséquence d’aggraver le sort de la personne condamnée, « ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ». Seules les dispositions plus douces sont d’application immédiate : tel est le cas des dispositions du nouveau Code pénal portant à dix ans le seuil maximum de l’emprisonnement correctionnel. Ont été tenues pour plus sévères les dispositions autorisant plus largement la révocation partielle du sursis avec mise à l’épreuve (1995).

Ainsi, les règles régissant l’application dans le temps des lois relatives à l’exécution des peines sont désormais très proches de celles régissant l’application dans le temps des lois de fond puisque les unes et les autres imposent de distinguer entre les lois plus douces, d’application immédiate, et les lois plus sévères dont l’application immédiate est exclue. La différence essentielle entre les deux tient à leur valeur respective : le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère a une valeur constitutionnelle, ce qui interdit au législateur d’y déroger, ce qui n’est pas le cas du principe posé par l’article 112-2-3° qui n’est pas la conséquence nécessaire du principe de légalité.


C – Les lois relatives à la prescription

Avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, les lois relatives à la prescription étaient soumises à un raisonnement différent selon qu’il s’agissait de lois relatives à la prescription des peines ou la prescription de l’action publique. Les premières, relevant du droit de fond, recevaient une application immédiate tant qu’elles ne contenaient pas de dispositions plus sévères que les textes alors en vigueur : le principe de la non rétroactivité jouait pleinement son rôle. Les secondes étaient regardées comme étant des lois de procédure, et donc d’application immédiate.

Le nouveau Code pénal met fin à cette divergence en alignant le régime de la prescription de l’action publique sur celui des peines (dont les règles sont plus favorables : non rétroactivité de la loi pénale plus sévère). L’article 112-2-4° dispose que sont d’application immédiate les lois relatives à la prescription de l’action publique et à la prescription des peines (Loi Perben II, 9 mars 2004 : même si la loi nouvelle est plus sévère !).

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